Il était un petit navire

Navire duquel s’en furent les rats qui sentaient les présages de la mort prochaine. Il est certain que ceux-ci étaient parfaitement lucides et soupçonnaient le sort qui les attendait s’ils n’accomplissaient pas la course prévisible vers la lumière. Ils n’auraient ja-ja-jamais navigué, sinon. Ils ont choisi de mourir noyés au lieu de subir les affres de l’horreur qui les attendaient sur ce bateau qu’on leur avait monté. Ils étaient naïfs tout de même, croire que toute cette mascarade était réelle. Pauvres petits rats, petits moutons noirs de quelques pouces qui se promènent en troupeau en suivant le guide. Suivez le guide, qu’y disaient, vous verrez du pays.

Ah oui, du pays ils en ont vu. En tout cas, ils en auraient vu s’ils avaient daigné jeter un œil hors de la cale au cours du voyage avant cet instant fatidique, au lieu de se goinfrer honteusement dans l’orgie la plus totale, le chaos forniquant avec le néant, mais pas le pays qu’ils auraient voulu voir quarante ans plus tôt.

Rats noirs ou blanc, apparence trompeuse, au fond ils sont tous aussi moutons que les autres. Il suffit qu’un se lève et coure vers de nouveaux détritus pour que la foule le suive et bientôt il n’y a plus rien. Goélands. Et maintenant il y a encore plus pu rien qu’à cet instant, car même ces rats ont disparu dans les eaux tumultueuses de l’océan, enchaînés par une peur indescriptible d’un châtiment imminent. Châtiment tout aussi fictif que le bateau sur lequel ils vivaient la débauche. Aussi fictif que leur débauche elle même.

C’est bête les illusions que l’on peut créer avec un réalisme si saisissant. C’est bête ma tête m’fait mal au cœur ¹. Ils ont choisi le repos, mourir pour apprendre à vivre, mais ils n’ont pas pensé que laisser vivre, c’est mourir quand il le faut ². Ils ont laissé vivre l’illusion en se sacrifiant à cause d’une illusion de danger. Le fallait-il ? Gang d’épais. Tandis que les instigateurs de l’illusion de fendaient la tronche, pliés en quatre en voyant sauter à l’eau ces petites bêtes apeurées pour rien. Rien criant la vérité trompeuse, un vrai mensonge bien fignolé, sans apparence d’erreur. Il y avait pourtant des défauts dans ces illusions, des défauts bien évidents pourtant, mais ces ratbéciles n’ont rien décelé ou n’ont pas compris en les voyant, tellement ils étaient subjugués par l’espèce de bonheur artificiel dans lequel ils étaient vautrés. Le stupre et la fornication, pourquoi pas ?

Il ne suffisait pourtant qu’un seul s’en rende compte et l’armée, ces rats dont la colère aurait grimpé en flèche, n’aurait fait qu’une bouchée de ces illusionnistes pas tout à fait parfaits. Mais ils n’ont rien vu et se sont laissés entraîner dans ce joli bateau où flotte l’arbre à sucre. L’emblème bleu, homologue amaryllis, ne fera plus la fierté de ces petits moutons rateux noyés dans l’océan gris de rejets de boue en glaise.

¹ Harmonium – Chanson noire (le bien le mal)
² Idem – Le corridor

Le flegmatique

Laissant aller le feu qui les fait m’attaquer
J’avance dans la vie sans trop me soucier
Devant bien des fait où ils ont eu les bras sciés
Je passe et à mes occupations vais vaquer.

Suis-je insensible à tout, tellement sans pitié
Suis-je un monstre sans cœur qui ne fait que passer
Je crois que dans ma vie j’en ai vu assez
Pour ne pas réagir plus que si vous n’étiez.

Il en faut beaucoup plus pour me scandaliser
Ce n’est pas que par rien je puis être affecté
Mais j’aime mieux garder mon sang-froid qu’infecté
D’une peur et les faits ne pas réaliser.

Ainsi dans plusieurs cas je pourrai aider
À régler le tout avec efficacité
Il faut, comme dit celui que je vais citer
«Rester calme sans à la panique céder.»

Futile

Ah! Futile fut-il d’y songer un instant
Utile eut-il été de ne point en parler
Mais la chose fut faite en vraiment peu de temps
Et l’horreur arriva sans savoir où aller.

C’est toujours après coup qu’on peut se rendre compte
Qu’on n’aurait jamais dû s’en mêler, oh que non!
On devrait bien se taire quand une envie monte
De parler de ces choses qui n’ont pas de nom.

C’est quand même drôle, ce qui peut arriver
Quand on se préoccupe de ce qui n’est pas
Dans ce qui nous concerne; peut-on entraver
Certains déroulements sans risquer le trépas?

Ah! Futile fut-il d’entraver ces débats
Utile eut-il été de bien s’y abstenir
Mais peut-être a-t-on pu rendre vain le combat
Et l’entente nouvelle peut, là, s’obtenir.

Mouche

La nuit gourmande d’un noir assommant
Ténèbres incertaines, grisâtres, plus que sombres
Autour d’un feu d’hiver froid
Bouillant d’une fièvre malade

Certaines des paroles déjà prononcées
Se révèlent assommantes par endroits
Car leur sens profond ne sera révélé
Ni-z-à vous ni-z-à moi.

Une mouche à la voix chevrotante
S’achemine bruyamment dans mon aire de repos
Elle s’oppose à la colère d’une chose contondante
Qui la fera voler mais cette fois sur le dos.

Transparence d’ailes contraste
D’un noir profond mais ennuyé
La nuit avance d’une lenteur inconcevable
Elle suit sa routine, la mouche l’accompagne.

Sans raison

Encore eût-il fallu
Qu’on voulut que je l’eus
Que je le fisse et que
L’on me permit de l’être

Mais non, on ne voulut
Que je l’eusse ni fisse
Ce que je voulait car
Ce ne fut pas aimé

La négation du possible
Vint d’une personne tierce
Qui sans lien se trouva
Avec les concernés

Ridiculement il déclama
Ne pas entendre mais
Entend-on quelque chose
Quand aucun bruit ne sonne?

Lorsque je voulus
Entendre ce qui fut dit
La porte ayant claqué
M’en allai sans me soucier.